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extrait de MOURIR PAR CURIOSITÉ
C’est ici que tout se termine — à moins que l’inconnu s’amorce —, que tout se décompose dans une gymnastique aérienne étonnante, un mouvement que même les exercices les plus ardus n’auraient jamais pu, à son âge, lui faire exécuter parfaitement. Emmanuel vole le temps d’un saut de l’ange — ou serait-ce une arabesque? — peu importe, il danse à une hauteur vertigineuse, haut comme on en rêve même sans être danseur. Parfaitement conscient de cette fin qui s’étire et que le temps semble vouloir distendre jusqu’au grand finale dans un claquement de toiles, de voiles, avec le ciel qui s’approche et le temps qui s’effrite, il n’en finit plus de voler, c’est trop et c’est trop haut, le ciel et la terre se chevauchent, le bleu se confond à chaque virevolte avec le vert encore acide des mélèzes et le gris-mercure des eaux de la baie, il tombe en vrille, mais sûrement sur le flanc, c’est la seule manière d’apercevoir presque simultanément le ciel, les arbres et la mer. Il frappe durement le sol, mais ne sent qu’une faible vibration au cœur des chairs, un frisson sous la peau, un craquement léger dans ses os ou à l’intérieur de son crâne, difficile à dire, il ne saurait même pas expliquer dans quelle position il vient de se retrouver au sol, il n’en a pas le temps, tout s’éteint.